News
Une Géolienne dans l'Espace ?
Une Géolienne dans l'espace ? - Interview avec Marine Joulaud
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Â
Je mâappelle Marine Joulaud, jâai 23 ans et je suis issue de la promotion 2021 (Jean-Claude SAMAMA) de lâENSG. Ătant petite, je rĂȘvais dâĂȘtre archĂ©ologue. Câest au collĂšge que jâai dĂ©couvert ma passion des volcans et plus largement de la gĂ©ologie. Je suis restĂ©e dans lâhistoire mais Ă une Ă©chelle diffĂ©rente ! Pour poursuivre mon projet professionnel, jâai dĂ©cidĂ© de faire une prĂ©pa BCPST (Biologie, Chimie, Physique, Sciences de la Terre) au lycĂ©e FĂ©nelon Ă Paris, qui mâa permis dâintĂ©grer sur concours GĂ©ol Nancy en 2018. DĂšs lors, jâai choisi dĂ©s le dĂ©but un parcours orientĂ© vers la recherche. Le plus dur Ă©tait de savoir en quoi. Les diffĂ©rentes confĂ©rences de Mardi de GĂ©ol du premier semestre mâont beaucoup aidĂ©e Ă mâorienter puisque jây ai rencontrĂ© Dr. Jessica Flahaut (ChargĂ©e de recherche CNRS au CRPG, Nancy), qui mâa fait dĂ©couvrir la planĂ©tologie et ses travails sur Mars et la Lune. Je suis alors tombĂ©e amoureuse de cette discipline !
En 2e annĂ©e, jâai intĂ©grĂ© le parcours principal MatiĂšres PremiĂšres MinĂ©rales et le parcours secondaire SIG/TĂ©lĂ©dĂ©tection/Traitement dâImages. En parallĂšle, jâai eu la chance de travailler en projet de laboratoire avec Jessica sur la sĂ©lection de sites dâatterrissage et trajets dâexploration au pĂŽle sud de la Lune, pour le projet de rover LUVMI-X par lâentreprise belge Space Applications Services. Ce projet labo a dâailleurs Ă©tĂ© suivi par un stage dâĂ©tĂ© dans lâentreprise ! En 3e annĂ©e, jâai dĂ©cidĂ© de faire une annĂ©e de substitution grĂące au Master « Terre & PlanĂštes » (TP) de lâUniversitĂ© de Lorraine, durant lequel jâai pu continuer mes travaux lunaires avec Jessica Flahaut et Evelyn FĂŒri.Â
Pour rĂ©sumer : je suis apprentie chercheuse en planĂ©tologie et plus prĂ©cisĂ©ment lâexploration et la gĂ©ologie lunaire !
Â
Que fais-tu depuis que tu as Ă©tĂ© diplĂŽmĂ©e de GĂ©ol ?Â
Â
Comme dit prĂ©cĂ©demment, jâai manifestĂ© un grand intĂ©rĂȘt pour la recherche et le milieu acadĂ©mique depuis longtemps. Pour moi, la thĂšse Ă©tait une Ă©vidence aprĂšs le Master TP. AprĂšs avoir rĂ©alisĂ© mon stage de master avec Jessica, et en commençant mon PFE avec Pr. Pascal Allemand au Laboratoire de GĂ©ologie de Lyon : Terre, PlanĂštes, Environnement (LGL-TPE), nous avons tous les trois dĂ©cidĂ© de proposer un sujet de thĂšse au concours de lâĂ©cole doctorale Physique & Astrophysique (ED PHAST) de lâUniversitĂ© Claude Bernard Lyon 1 (UCBL1).Â
Mon dossier a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© pour lâoral en juin 2021 et jâai eu la chance de finir premiĂšre du concours ! Jâai donc commencĂ© ma thĂšse en octobre 2021 sur le sujet suivant : la caractĂ©risation multi-Ă©chelle des rĂ©golites de la Lune et Mercure par imagerie et modĂ©lisation numĂ©rique. Pascal Allemand est mon directeur de thĂšse et mâencadre avec lâaide de Jessica Flahaut, Evelyn FĂŒri et Vincent Langlois. Je fais donc une thĂšse Ă cheval entre Lyon (LGL-TPE) et Nancy (CRPG).Â
Pour rĂ©sumer, ma thĂšse cherche Ă caractĂ©riser la surface de la Lune et Mercure, deux corps planĂ©taires sans atmosphĂšre. Puisquâils nâont pas dâatmosphĂšre, ces deux corps sont sujets Ă des procĂ©dĂ©s dâaltĂ©ration de la surface diffĂ©rents de la Terre (Ă©rosion par le vent, la pluie, etc.) : ils interagissent directement avec lâenvironnement spatial. Ils ne sont pas protĂ©gĂ©s et subissent donc des impacts mĂ©tĂ©oritiques, des bombardements de vents et rayons solaires, mais aussi de rayons cosmiques (plus loin dans lâunivers). Ces procĂ©dĂ©s forment ce que lâon appelle le rĂ©golithe : la couche superficielle fragmentĂ©e et non-consolidĂ©e qui recouvre quasi lâentiĂšretĂ© de la Lune. Mon but est donc de combiner les donnĂ©es orbitales (issues des satellites ayant Ă©tĂ© ou Ă©tant en orbite autour de la Lune et Mercure) et in situ (donnĂ©es des rovers et missions sur la Lune) pour les comparer Ă des modĂ©lisations de cratĂšres dâimpact afin de mieux comprendre comment sont organisĂ©s les premiers centimĂštres et premiers mĂštres de ces surfaces ! Dâun point de vue plus global, cela nous permettrait dâen savoir un peu plus sur lâorigine, la formation et lâĂ©volution des corps planĂ©taires dans le systĂšme solaire !
Â
Pourquoi avoir sollicitĂ© le soutien de lâAssociation ?
Â
Lors de ma remise de diplĂŽme, lâAssociation avait Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e par lâancien prĂ©sident, Jean-Jacques Biteau. Jusquâici, je nâavais pas rĂ©ellement compris lâimpact que cette association avait et Ă quel point elle pouvait ĂȘtre importante pour la communication entre les Alumni et les Ă©lĂšves. Je ne savais mĂȘme pas que lâAssociation pouvait aider financiĂšrement les GĂ©oliens Ă rĂ©aliser des projets. Durant ma scolaritĂ© Ă GĂ©ol, jâai eu la chance de faire partie dâHimalaya Solaire 2019, que lâAssociation a subventionnĂ©. Jâai aussi pu suivre mes ami.e.s partir faire le 4L Trophy, et câĂ©tait rassurant de voir que nos projets pouvaient ĂȘtre soutenus.Â
Au cours de ma thĂšse, jâai postulĂ© Ă un programme dâĂ©tĂ© intensif : le Space Studies Program (SSP) de lâInternational Space University (ISU). Cependant, ce programme a un coĂ»t et je devais avancer les frais trĂšs rapidement en avril 2022, ce qui nâĂ©tait pas rĂ©ellement possible pour moi, malgrĂ© le fait que je sois salariĂ©e rĂ©munĂ©rĂ©e. Jâai pu obtenir des aides de la part du CNES, de mon laboratoire et de mon Ă©cole doctorale afin de mâaider Ă financer la majoritĂ© des frais. Malheureusement, il restait une somme non nĂ©gligeable Ă avancer, jâai donc dĂ©cidĂ© de faire appel Ă lâAssociation des GĂ©oliens. AprĂšs un entretien et une prĂ©sentation de mon projet et de mes projets de carriĂšre, lâAssociation mâa offert un prĂȘt Ă taux zero afin de mâaider Ă avancer les frais, et mâa suggĂ©rĂ© diffĂ©rentes pistes afin de rĂ©colter les fonds dont jâaurai besoin !
Durant le programme cet Ă©tĂ©, je nâai malheureusement pas obtenu toutes les bourses auxquelles jâavais postulĂ©es. Jâai donc choisi, comme lâa suggĂ©rĂ© lâAssociation, de lancer un crowdfunding et de faire appel aux dons afin de mâaider maintenant, mais aussi pour mes projets futurs. Le lien est disponible ici : https://www.leetchi.com/c/marine-space-journey
Peux-tu nous en dire plus sur ce programme de lâInternational Space University ?
Â
Le SSP est un programme sur les domaines du spatial, durant 9 semaines super intenses divisĂ© en trois phases. La premiĂšre se concentre sur des cours magistraux thĂ©oriques pendant 4 semaines. Ensuite, on se spĂ©cialise durant la seconde phase et on choisit entre 7 disciplines diffĂ©rentes : engineering, applications, human performance in space, humanities, policy/law/economics, business & management, sciences. La derniĂšre phase se concentre sur un projet de groupe durant 3 semaines, Ă la fin duquel nous devons soumettre un rapport de plus de 100 pages et rĂ©aliser une prĂ©sentation publique dâune heure. Cette annĂ©e, le SSP avait lieu Ă Oeiras, au Portugal. Nous Ă©tions 92 participants issus de 37 pays. Avec le staff, on reprĂ©sentait plus de 50 pays. Je suis revenue du programme fin aoĂ»t et jâai Ă peine eu le temps de digĂ©rer tout ce qui sây est passĂ©. Câest trĂšs difficile de raconter briĂšvement tout ce que jâai vĂ©cu lĂ -bas, parce que câest une rĂ©elle expĂ©rience humaine. Bien sĂ»r, les cours et les activitĂ©s sont incroyables : jâai participĂ© Ă une compĂ©tition de robots encadrĂ© par le Professeur Yoshida (JAXA) ; jâai aussi fait une simulation dâEVA (extra-vehicular activity) en encadrant des collĂšgues faisant de la plongĂ©e sous-marine ; avec 3 autres collĂšgues, nous avons construit une FUSEE, qui a Ă©tĂ© lancĂ©e depuis une base militaire en juillet ; jâai aussi pu contrĂŽler Ă distance un robot de lâentreprise Mission Control au Canada, ⊠Bref, les activitĂ©s Ă©taient Ă©poustouflantes. Nous avons eu des cours magistraux de prestigieux scientifiques et ingĂ©nieurs de la NASA, lâESA, etc. (James Green, John Connoly âŠ) et nous avons aussi pu rencontrer trois anciens astronautes ! Soyeon-Yi, la premiĂšre astronaute sud-corĂ©enne ; Paolo Nespoli, astronaute italien ; Jeffrey Hoffman, astronaute amĂ©ricain de la NASA. Mais ce qui mâa le plus bouleversĂ© et surpris, ça a Ă©tĂ© de crĂ©er des liens profonds et vraiment importants pour moi avec les autres participant.e.s. Nous venions tous.tes de pays et de cultures diffĂ©rentes, et nous devions suivre la mĂȘme intensitĂ© et les mĂȘmes projets en ayant trĂšs peu dormi et en Ă©tant constamment solicitĂ©.e.s. ForcĂ©ment, il y a eu des accrochages parfois, mais je retiens surtout des expĂ©riences humaines Ă©poustouflantes. Sur toutes les personnes que jâai rencontrĂ©es, je suis persuadĂ©e que je les reverrai toutes un jour. Au dĂ©tour dâune confĂ©rence, en passant dans leur pays, en les accueillant chez moi⊠Et jâai dĂ©couvert des gens avec qui je voulais travailler aussi ! Pas forcĂ©ment sur ma thĂšse, mais sur dâautres travaux qui suivent notre projet de groupe. Bref, câĂ©tait un grand saut dans le monde du spatial. Bien que jây travaillais dĂ©jĂ , jâĂ©tais limitĂ©e Ă mon domaine, sans rĂ©ellement comprendre toutes les implications derriĂšre (ingĂ©nierie aĂ©rospatiale, politique internationale et droit spatial, management, etc.). Ce programme mâa rĂ©ellement aidĂ© Ă comprendre comment ma thĂšse sâinscrivait dans cet Ă©norme ocĂ©an de savoir. Jâai pu comprendre quelle Ă©tait ma place en tant que planĂ©tologue et chercheuse, mais aussi quel pouvait ĂȘtre mon rĂŽle Ă lâinternational. Je suis contente dâavoir pu rĂ©aliser ce programme durant ma thĂšse, car il mâa permis de prendre beaucoup de recul trĂšs tĂŽt.
Seras-tu la premiÚre géolienne astronaute ?
Â
Je nâai pas toujours rĂȘvĂ© dâĂȘtre astronaute. Comme je lâai dit plus haut, je prĂ©fĂ©rais les fossiles et les reliques dâanciennes civilisations. Mais depuis que jâai commencĂ© Ă travailler sur la Lune, jâai dĂ©veloppĂ© ce rĂȘve un peu fou dây aller moi-mĂȘme. Il nây a eu quâun seul gĂ©ologue sur la Lune, durant le programme Apollo : Harrison Schmitt ! Câest trop peu. Son expertise sâest montrĂ©e plus que cruciale puisquâil a rapportĂ© des Ă©chantillons trĂšs prĂ©cieux que les autres astronautes nâauraient peut-ĂȘtre pas distinguĂ©. Lors de lâInternational Astronautical Conference Ă Dubai en 2021, Ă laquelle jâĂ©tais dans le cadre de ma thĂšse et pour prĂ©senter des travaux annexes de sĂ©lection de sites lunaires, jâai eu la chance dâassister Ă une table ronde avec Jessica Meir, une astronaute de la NASA. Ă un moment donnĂ©, elle a insistĂ© sur le fait que pour le programme Artemis et pour retourner sur la Lune, nous allions avoir besoin de gĂ©ologues. Tous ces Ă©lĂ©ments sâadditionnent et je me dis que ce rĂȘve fou pourrait ĂȘtre touchĂ© du doigt. Je ne sais pas, en tout cas je vais tout faire pour. CâĂ©tait lâune de mes motivations pour intĂ©grer le SSP. Jây ai rencontrĂ© Soyeon-Yi, qui nous a parlĂ© durant toute une soirĂ©e de son expĂ©rience de la sĂ©lection dâastronaute et sa vie dans lâISS. En tant que femme notamment, câest important dâavoir ce genre de modĂšles. CâĂ©tait trĂšs inspirant et mâa montrĂ© que câĂ©tait peut-ĂȘtre possible aprĂšs tout. MĂȘme si je nâatteins pas ce but, je serais ravie de continuer Ă travailler en planĂ©tologie et dans tout ce qui est reliĂ© au spatial. Je pense que la prioritĂ© nâest pas forcĂ©ment de devenir astronaute, mais dĂ©jĂ dâenvoyer dâautres robots Ă la surface de la Lune ! Et pour ça, je suis dĂ©jĂ impliquĂ©e dans lâĂ©quipe scientifique de lâEmirates Lunar Mission, qui est prĂ©vue pour 2023. Ătre impliquĂ©e dans une telle mission si jeune et si tĂŽt, câest un honneur. Tout ça nâaurait pas Ă©tĂ© possible sans ce fameux Mardi de GĂ©ol avec Jessica Flahaut. 😊 Dans un premier temps, je veux surtout finir ma thĂšse et travailler dans le plus de laboratoires diffĂ©rents dans le monde afin de me diversifier et de contribuer du mieux que je peux Ă la recherche scientifique dans le spatial (et aussi comment lâappliquer aux problĂ©matiques sur Terre !). Le reste, on verra plus tard, mais je ne perds pas de vue ce que je vise⊠😉
Interview réalisée par écrit en août 2022.

Aucun commentaire
Vous devez ĂȘtre connectĂ© pour laisser un commentaire. Connectez-vous.